Editions De Borée – 2008
Préface de Georges Lautner
L ’évocation des Alpes-Maritimes fait immédiatement songer aux charmes de la Côte d’Azur, à ses casinos et aux flâneries sur la Croisette… On aimerait croire que cette terre de métissage a été préservée des crimes odieux qu’engendrent le vice, la jalousie ou la cupidité. Il n’en est rien ! Dans ces paysages contrastés, on assassine aussi sauvagement dans les fermes perdues de l’arrière-pays que dans les riches villas de la Riviera.
La vingtaine d’affaires criminelles relatées ici ont fait l’actualité de ce département depuis le xixe siècle jusqu’à récemment, avec la mort de Ghislaine Marchal. Elles se sont déroulées des rivages de Cannes à ceux de Menton, en passant par les palaces niçois, qui résonnent encore des souvenirs de malles sanglantes, de crimes sordides et de condamnations à mort.
Ces pages insolites mèneront le lecteur sur les traces d’Henri Vidal (le tueur de femmes), de la veuve Portois, du bandit Brysgaloff et du monstre de Vallauris. Elles l’entraîneront dans les mystérieuses affaires du cadavre d’Antibes et du Palais de la Méditerranée…
« Petite Jeannine née ce matin… Stop… beau bébé 3,5 kilos…Stop… maman se porte bien…Stop » dans un bureau de Poste à deux rues de là, un jeune télégraphiste auxiliaire expédie son dernier télégramme. Casimir Tahon a 28 ans. En tant que mutilé de guerre, il bénéficie d’horaires allégés. Il salue ses collègues et part retrouver sa femme et ses deux enfants en bas âge. A l’angle de la rue de France, il tombe nez à nez avec le petit groupe d’hommes qui talonne Riaboff. Casimir Tahon se joint à eux sans hésiter. Aider à l’arrestation d’un criminel est un devoir. Pour lui qui a connu quatre ans durant la vie des tranchées et les charges baïonnette au canon, c’est une formalité sans grand danger. Il a d’ailleurs prouvé son courage, deux mois plus tôt, en arrachant un couteau des mains d’un agresseur en fuite avant de le livrer à la police…
Riaboff a renoncé à rentrer dans l’église dont la grille n’a pas cédé sous ses coups d’épaule. Il contourne le pâté de maisons en espérant se dissimuler parmi les passants de la rue Massenel. Mais les trottoirs sont presque déserts en ce début d’après-midi. Riaboff est aux abois. Il reprend sa course en entendant les cris de ses poursuivants. Un confiseur qui caramélise des pralines devant sa boutique tente de le déséquilibrer en brandissant sa cuillère en cuivre mais Riaboff lui agite son énorme Mauser sous le nez. Le commerçant opère une retraite prudente derrière sa vitrine. Le fuyard songe alors à se cacher dans les cours ou les jardins des villas, mais il abandonne cette idée et poursuit sa folle cavale vers le front de mer. Pierre Riaboff est hors d’haleine. Il veut par tous les moyens échapper aux cinq citoyens qui l’ont pris en chasse. En plus du concierge et du jeune télégraphiste galopent désormais derrière lui, comme une petite meute à l’hallali, un croupier, un bijoutier et un chauffeur de maître à la carrure de catcheur.
Riaboff longe maintenant la façade de l’hôtel du Luxembourg. La poursuite mouvementée a attiré une petite foule de curieux. L’agent Honnart, de service sur la Promenade des Anglais est intrigué par cet attroupement. Informé des événements et conscient du danger, il empêche les curieux d’avancer. Riaboff est désemparé. Il s’engouffre dans le bâtiment contigu à l’hôtel. C’est là que sont installés les bureaux de la Société des Autocars et ceux de la Compagnie Général Transatlantique. Riaboff met en joue les employés terrorisés en cherchant désespérément une issue qu’il ne trouve pas. Pris de panique, il ressort dans la rue pour se retrouver face à ses poursuivants. Il est coincé, mais il est bien décidé à vendre chèrement sa peau. Il pointe son pistolet de gros calibre en direction du groupe et fait feu. Le bijoutier s’écroule dans une mare de sang. La balle lui a transpercé la cuisse. L’agent Honnart tire à son tour sur le criminel mais son vieux revolver d’ordonnance refuse de fonctionner. Riaboff profite de la panique pour regagner le hall du bâtiment. Rapide comme l’éclair, il s’engage dans un long couloir qui aboutit aux dépendances de l’hôtel du Luxembourg. De là, il gravit un échafaudage et grimpe sur une petite toiture en réfection. Il pense se dissimuler derrière la balustrade en pierre ajourée, mais la foule l’aperçoit et crie d’une seule voix « Il est sur le toit !… Il est sur le toit ! ». Riaboff comprend qu’il ne peut pas s’enfuir de son promontoire. Il rebrousse chemin et revient dans l’hôtel. L’agent Honnart et le jeune télégraphiste décident alors de lui tendre une souricière. Ils contournent l’édifice jusqu’à une entrée de service. L’agent pénètre prudemment dans les communs de l’hôtel. Devant la porte de la lingerie, il essuie deux coups de feu qui le loupent de peu. Casimir Tahon s’engouffre à son tour dans l’immeuble. Le jeune télégraphiste ne fera pas trois pas. Riaboff le vise et tire. C’est le drame. Casimir Tahon s’écroule, mortellement blessé à l’abdomen.
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